lundi 25 janvier 2016

Turquie : le gouvernement a entamé la guerre civile et le « nettoyage ethnique », par Emre Ongün


Le choix des mots est dangereux.  Comment désigner ce que subissent de nombreuses localités du Kurdistan nord qui se trouve sur le territoire de l’Etat turc ? Le terme « couvre-feu » est le plus couramment employé parce qu’il s’agit de la traduction de l’expression turque « sokağa çıkma yasağı » qui signifie littéralement « interdiction de sortir dans la rue » et est une formule administrative de l’Etat turc. Or, comme l’explique Michael Ferguson cette traduction peut entraîner la sous-estimation de ce qui est en cours ( http://www.jadaliyya.com/pages/index/23617/under-fire_translating-the-growing-crisis-in-the-k ). 

Le « couvre-feu » est en effet la désignation administrative, donc euphémisée, de situations d’états de siège (c’est l’expression qui semble la plus juste) imposée aux localités du Kurdistan nord et engendrant de multiples massacres par les forces de l’Etat.

La Fondation des Droits de l’Homme de Turquie a dénombré dans son dernier rapport 198 civils tués (dont 39 enfants) entre le 16 août 2015 et le 21 janvier 2016 durant les 58 états de siège de durée variables qui ont concerné 7 départements et ont impacté les droits humains de 1.377.000 personnes. Complément morbide, le rapport indique que des bébés en fin de gestation ont été tués dans le ventre de leurs mères. Sortir avec un drapeau blanc, sans armes, pour chercher à boire ou à manger, pour enterrer les dépouilles qui pourrissent dans les maisons, ou tenter de soigner des blessés ne protègent de rien et certainement pas de la mort. Tout comme être un député du HDP ne protège de rien non plus : un groupe non armé comprenant le député de Sirnak, Faysal Sariyildiz, s’est fait tirer dessus…

Il est de coutume de comparer la situation actuelle avec les années 90 durant lesquelles les affrontements entre l’Etat et le PKK avaient culminé pour pointer les changements et les continuités. Bien évidemment, il existe aujourd’hui des différences avec les années 90 notamment un caractère plus urbain et des modifications parmi les acteurs et leurs agencements. Néanmoins, outre d’indéniables continuités (notamment du point de vu des militaires, l’armée et Erdogan agissant main dans la main), le peu de témoignage et de documents qui parviennent depuis ces localités indiquent que l’on s’achemine vers une terreur étatique de masse d’une ampleur inédite même durant les années 90.

dimanche 24 janvier 2016

Soutien aux mouvements sociaux en cours en Tunisie


Cinq ans après la révolution du 14 janvier 2011 rien n’est réglé sur le plan social et économique en Tunisie et tout au contraire le chômage et la précarité ne cessent de s’aggraver. En particulier les jeunes diplômés ne trouvent toujours pas de travail et leurs actions de protestations sont réprimées par les forces de police comme sous Ben Ali. 

Suite à la mort d’un jeune chômeur dans la région de Kasserine des manifestations contre la misère et pour la justice sociale se sont déroulées dans tout le pays. Des événements qui rappellent ceux qui, après le suicide du jeune Mohamed Bouazizi dans la région défavorisée de Sidi Bouzid, ont été à l’origine du Printemps tunisien. 

Le mouvement est en train de gagner toute la Tunisie et face à cela le Gouvernement vient de décréter le couvre feu nocturne dans tout le pays. 

« Ensemble! » rappelle la responsabilité de l’Union Européenne et singulièrement de la France dans la situation actuelle de la Tunisie et des autres pays du sud de la Méditerranée. Nous exigeons que soient établies avec ces pays des relations nouvelles basées sur une réelle coopération favorisant leur développement ce qui suppose en premier lieu un moratoire sur leurs « dettes ». 

« Ensemble! » salue les populations tunisiennes qui relèvent la tête et apporte tout son soutien à celles et ceux qui luttent pour la dignité et la justice sociale.

vendredi 22 janvier 2016

Réforme des retraites en Grèce : un quatrième mémorandum… et l’embarras des syndicalistes de Syriza, par Andreas Zafiris


Le projet sur les retraites n’est pas un épisode malheureux dans le cadre d’une négociation difficile et déséquilibrée. Ce n’est pas un recul fondé sur des problèmes « objectifs » ni des rapports de force. La discussion sur les retraites et l’idée qu’objectivement elles ne seraient pas viables, la tentative de « désocialisation » de l’assurance sociale ont fait partie des priorités constantes dans l’agenda de tous les gouvernements depuis 1991 (gouvernement Mitsotakis et ceux qui ont suivi). 

Les arguments étaient identiques. Les objectifs fondamentaux étaient au nombre de trois : 

a) la « discipline budgétaire », la réduction des dépenses publiques dans le budget de l’état au minimum. 

b) la restructuration dans un sens réactionnaire de la relation du travail. 

c) assurer des profits pour le capital non étatique. 

Les commissions Provopoulos et Angelopoulos, et le plan « Katrougalos » 

Simple rappel historique : il faut noter le fait que dès 1990, le 30 août, le SEB [le MEDEF grec NdT] avait déposé dans le cadre du « dialogue social » de l’époque une proposition « d’assainissement et de réforme » des retraites où il soulignait que : « … la nécessaire réforme exige une approche graduelle et l’élaboration sur la durée d’un plan à l’horizon de cinq à dix années »

 Parallèlement, la CEE d’alors organisait et finançait des séminaires pour les directions des organisations syndicales, sur la question de l’assurance sociale, dans le but de les désarmer idéologiquement. Bien sûr, les commissions Provopoulos et Angelopoulos avaient eu lieu auparavant – à l’époque du gouvernement tripartite [gouvernement Zolotas 1989-1990 NdT] – et leurs conclusions avaient été publiées. 

Dans le rapport de la commission Angelopoulos en particulier, nous trouvons une référence particulière à l’éducation qui est caractérisée, au même titre que la santé comme « un bien semi-public », indice de la nature des liens entre les réformes des retraites et d’autres secteurs. A l’évidence celui de l’enseignement plus généralement. 

mardi 19 janvier 2016

Grèce : "le gouvernement met en pratique un nouveau pillage des retraites", par D. Stratoulis


1 Dans quelle mesure le projet gouvernemental de réforme des retraites se rapproche-t-il de tout ce que défendait Syriza sur l’assurance sociale dans la première période de gouvernement, lorsque vous étiez secrétaire d’état à la Sécurité Sociale ?

La proposition gouvernementale sur les retraites est aux antipodes des déclarations programmatiques du gouvernement d’alors : les réductions de pensions devaient cesser, les recettes de l’assurance sociale devaient augmenter, son caractère public, universel, redistributif et solidaire devait être rétabli. L’actuel gouvernement Syriza-Anel ne met plus en œuvre ces engagements qu’il avait pris auprès du peuple, mais ceux du troisième mémorandum, pour de nouvelles réductions qui taillent en pièce les retraites principales, les retraites complémentaires et d’autres droits des assurés sociaux.

En tant que ministre responsable, J’avais alors présenté 96 modifications législatives, adoptées par le parlement, qui annulaient un grand nombre d’injustices à l’égard des assurés sociaux contenues dans les mémorandums. Mais le gouvernement Syriza-Anel, par la suite, s’est engagé dans le troisième mémorandum à les annuler. Depuis les élections, 14 d’entre elles ont déjà été annulées, et d’autres suivent.

2 En fin de compte, l’amputation des droits des retraités est-elle la voie unique de sauvegarde des retraites mises à mal ?

Le gouvernement met en pratique un nouveau pillage des retraites, non pour les sauver, parce que rien de tel ne peut se produire de cette façon, comme l’ont démontré les 11 précédentes réductions, mais pour appliquer ce à quoi il s’est engagé dans le troisième mémorandum : ôter 1, 8 milliards d’euros des poches des retraités, déjà appauvris, pour les offrir aux créanciers du pays.
Les problèmes de l’Assurance sociale n’ont pas pour origine ses dépenses élevées -puisque les pensions ont diminué de 30 à 50% pendant les années de mémorandum-, ils sont dus à la diminution de ses recettes, à cause des politiques d’austérité mémorandaire.

Par conséquent, elle ne peut être consolidées et revalorisée que grâce à la sauvegarde et à l’augmentation de ses recettes. C’est-à-dire à la condition que le chômage diminue, avec la fin des politiques d’austérité des mémorandums et la mise en œuvre d’un plan de développement et de reconstruction de la production.

dimanche 17 janvier 2016

Cologne : nuit du 31 décembre au 1er janvier, par Angela Klein


Pendant la nuit du 31 décembre au 1er janvier, la ville de Cologne a été le théâtre de nombreuses attaques commises contre les femmes. Ces attaques sont un fait nouveau. Des attaques similaires, mais de moins grande ampleur ont également eu lieu à Hambourg et à Stuttgart. 

Selon la police, plus d'un millier hommes ont pris part à ces attaques sur la place de la gare centrale, entre 22h et 5 h du matin. Les femmes étaient encerclées par des groupes d'hommes, insultées, sexuellement harcelées et volées. Une femme attaquée parle de "doigts dans tous les orifices".Les bas et les sous-vêtements d'une autre ont été arrachés.Une femme déclare que trente hommes environ l'ont encerclée, lui touchant les seins, les fesses et entre les jambes, en la traitant de traînée (slut). 

lundi 11 janvier 2016

Israel/Palestine : Manuel Valls ou l’art dangereux de l’amalgame, par l'AFPS


Une fois de plus, Manuel Valls se livre à la pratique détestable et éminemment dangereuse de l’amalgame. Confusion générale entre dénonciation légitime de l’antisémitisme et soutien, à peine voilé, à la politique coloniale israélienne qu’il ménage de toutes ses forces. 

Samedi, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de l’Hyper Cacher organisée par le CRIF, il a délibérément assimilé la critique de l’Etat d’Israël à l’antisémitisme. Il l’a fait en jouant sur les mots pour associer l’antisémitisme, qui est une réalité, avec ce qu’il a qualifié de « détestation compulsive de l’Etat d’Israël », ajoutant, au cas où le mouvement de solidarité avec la Palestine ne se serait pas senti visé, « comment accepter qu’il y ait des campagnes de boycott ? ». 

Et dans un effet de manche propre à flatter son public rappelé qu’il combattait l’antisémitisme « qu’il vienne de l’extrême droite ou de l’extrême gauche… » Saisissant effet de mimétisme avec l’organisateur de la cérémonie, le CRIF, qui depuis des années semble avoir troqué sa vocation à représenter les institutions juives de France contre le rôle de défenseur inconditionnel de la politique israélienne, fût-elle celle du gouvernement le plus extrémiste et raciste qui ait été au pouvoir à Tel-Aviv. 

A l’heure où la société française apparaît plus dangereusement fracturée que jamais, de tels propos sont davantage ceux d’un pompier pyromane que d’un responsable politique qui chercherait à répondre aux défis du terrorisme de Daech. 

Nous ne cessons de le répéter : si l’on veut s’opposer de façon crédible par tous à toutes les formes de racisme, dont l’antisémitisme, il faut marquer que la critique de la politique d’un Etat ne saurait être confondue avec la mise en cause d’une communauté. 

C’est ce que nous faisons en toute clarté en menant campagne pour le boycott, le désinvestissement, les sanctions à l’égard d’Israël tant que cet Etat ne se conformera pas au droit international. 

Le Bureau national de l'Association France Palestine Solidarité

dimanche 3 janvier 2016

Etat espagnol : vers la rupture démocratique et la fin de l'austérité, par Anticapitalistas- membre de PODEMOS


Le résultat de la législative du 20 décembre a signifié un grand pas en avant pour Podemos et l’ensemble des forces du changement mais il nous reste encore à faire un grand bond en avant. 

Notre ordre du jour est constitué à court terme, d’une part, par la satisfaction des aspirations des classes travailleuses et des secteurs populaires qui ont enduré l’appauvrissement et l’humiliation générés par les draconiennes politiques de coupes budgétaires que le PSOE et le PP ont imposés et constitutionnalisées par la réforme de l’article 135, d’autre part, par l’opposition frontale aux nouvelles exigences austéritaires de la Troïka pour 2016 et enfin parle reversement d’un régime politique oligarchique et corrompu, pièce clé du système de spoliation du peuple, qui fait de la résistance. 

La fenêtre d’opportunité reste ouverte 

Suite aux élections, les couteaux sont tirés, rien n’est réglé. Mais rien n’est pareil à ce qui prévalait le 19 décembre. Une composante essentielle, certes pas la seule, du régime de 78 [né de la Constitution de 1978 instaurant la monarchie parlementaire], l’alternance « tournante », est touchée mais pas coulée. Il y a là une fenêtre d’opportunité inédite depuis 1978. 

Les résultats obtenus par les forces du changement sont spectaculaires, en particulier là où ont été constituées des candidatures de convergence (En ComúPodem[Catalogne], En Marea[Galice], Compromis-Podemos[Pays valencien]). Il est une fois de plus démontré que l’unité est payante car elle n’induit pas une simple opération arithmétique – d’addition ou de soustraction de votes en fonction de la jonction qui se fait ou pas entre différentes forces – ; il s’agit d’une formule algébrique car elle créé de l’enthousiasme collectif, un sentiment de force et une dynamique expansive imparables. 

Les résultats de Podemosont également été spectaculaires dans les nombreux endroits où il s’est présenté avec « sa marque », en solitaire, et où il a engrangé un soutien inimaginable il y a quelques mois : cela a été le cas en terre basque – que ce soit dans la Communauté Autonome Basque ou en Navarre – où les électeurs orphelins des vieilles forces de gauche en décomposition se sont saisis de notre bulletin de vote. Idem au Baléares où le travail mené rondement au parlement local et l’appui apporté par Podemos à la Marée Verte[structures de luttes dans l’Education], à la culture et à la langue du cru ont trouvé leur pleine expression dans les suffrages recueillis ; même chose aux Canaries ou encore à Madrid grâce au bon travail des élus au parlement de la communauté autonome et à l’appui apporté aux luttes en cours.

Grèce. Le patinage mémorandaire de Tsipras sur une fine couche de glace, par Petros Papakonstantinou


Ceux qui continuent à croire – parce qu’ils ont besoin de croire – que le «système germanique» (le pouvoir Merkel-Schäuble) n’a pas d’autre envie que de renverser le deuxième gouvernement SYRIZA-ANEL (mis en place le 21 septembre) doivent avec difficulté croire leurs yeux s’ils lisent l’article principal récent de la Süddeutsche Zeitung (du 8 décembre 2015) qui est dans tous les cas un journal fort influent [publié en Bavière et se situant au «centre» par rapport à la Frankfurter Zeitung].

Ainsi Mike Szymanski écrit, après un intertitre «Etonnamment robuste»: «Presque à un rythme hebdomadaire, le gouvernement d’Alexis Tsipras fait passer à coups de fouet dans le parlement des réformes qui impliquent des économies de milliards d’euros. Chaque loi, en tant que telle, apporte des douleurs. N’importe quel autre pays aurait été déchiré suite à une politique aussi radicale. Pourtant, le gouvernement, avec une majorité de juste trois votes [153 sur 300], apparaît incroyablement résistant, comme on peut le constater suite à l’approbation du budget de rigueur de 2016» [le collectif budgétaire a été adopté, dans sa totalité, le 16 décembre 2015].

Toutefois, le Tageszeitung (la TAZ), le journal «alternatif» de gauche de Berlin, n’exprime pas la même sympathie pour le gouvernement «résistant» de SYRIZA-ANEL que la Süddeutsche Zeitung. Il écrit, le même jour, qu’Alexis Tsipras «ne nous envoie pas ses vœux pour les fêtes, mais encore un tour de rigueur… En Grèce, l’opinion commune balance entre abdication et colère. Nombreux sont ceux qui regardent Tsipras en tant que traître, puisqu’il avait promis de mettre fin à la politique de rigueur de ses prédécesseurs, mais se trouve maintenant obligé de coopérer avec Bruxelles plus étroitement que tous ses prédécesseurs.»

C’est la vie… On se fait des nouveaux amis, on perd des anciens… De toute façon, dans la conscience d’Alexis Tsipras le bras de la balance penche, incontestablement, du bon côté [voir le bilan de SYRIZA par Antonis Ntavanellos publié sur ce site en date du 18 et du 20 décembre 2015]. Sa réponse à Dora Bakoyannis [ex-maire d’Athènes à l’époque des Jeux olympiques, ex-ministre sous Karamanlis, figure de la Nouvelle Démocratie, de la famille de Mitsotakis] en témoigne. Elle l’avait accusé de «suffisance». Tsipras a répondu, lors d’une séance parlementaire: «Un peu de suffisance serait justifiée de la part d’un homme qui ne vient pas d’une famille de politiciens et qui a pu quand même devenir premier ministre dans sa quarantaine.» Voilà un véritable Gulliver, dans un pays – et un parti – des Lilliputiens. Il n’a pas de complexe «de gauche», ni la pruderie de dire les choses telles qu’elles sont!

Evidemment, la débordante estime de soi (pour utiliser une formule de politesse) du Premier ministre n’est pas fondée sur le travail impressionnant de son (nouveau) gouvernement au cours de ses trois mois de vie. On peut énumérer: 1° la mise en route de l’amputation des retraites [qui seront réduites, finalement, de 44% pour la retraite de base, après que la proposition d’une coupe de 30% a été refusée par les créanciers]; la réduction drastique des allocations de chauffage [le chauffage au bois est interdit à Athènes depuis le 21 décembre, à cause du smog, le secrétaire d’Etat aux Finances Tryfon Alexiadis a édicté, le 10 décembre, des règles de subventionnement qui diminuent d’au moins de 50%, pour 2015, le nombre d’aides à l’huile de chauffage pour les bas revenus par rapport à 2014; ces subventions seront attribuées entre février et juin 2016!]; 3° la libération de la vente aux enchères des résidences principales [en cas de dette hypothécaire non financée]; 4° la privatisation des ports [complète pour le Pirée et Thessalonique], des aéroports [14 aéroports régionaux] et de l’ADMIE – une filiale de l’entreprise publique d’électricité qui gère le réseau de distribution [avec les coupes qui en découleront en cas de retard de paiement]; 5° la liquidation des banques pour presque rien [exemple de la filiale en Turquie – Finansbank – de la Banque nationale grecque vendue pour une bouchée de pain, à la Banque nationale du Qatar]; 5° l’abandon des dettes dans le rouge [dépassement des échéances] aux fonds spéculatifs.